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Nicole (Marseille, Oktober 2005)

H.A.M. 0

Une seconde passe. Cet enchevêtrement inextricable de voix est maintenant tout empreint de majesté. J’entends désormais les paroles venues de la nuit des temps, portées de pays en pays par les marins des âges immémoriaux, qui sait ? antérieurs au Vieux Port étalé là, sous mes yeux, splendides car porteuses de richesses éternelles, relayées par bateau de ville en ville, transmises par des hommes qui n’ont pas fait silence depuis que cette mer est au centre de notre monde – paroles du Levant et de l’île du roi Cnossos, paroles de l’Antiquité classique – Pas une fois, la noble descendance de ceux qui transportent le sens n’a renoncé, même privée d’une place sur l’embarcation qui sauve et de l’or qui donne la vie, même dans la fuite éperdue devant la menace des êtres de chair et des monstres en soi.


J’ai traversé la cour devant la tuilerie

et l’espace devant les longs fours,
je n’ai pu marcher au deuxième étage,
j’ai pénétré dans le réfectoire aux peintures,
j’ai longé les rails.
Et à chaque fois, je me suis demandé
si c’était un lieu de production ou un lieu de mémoire, si c’était une propriété privée ou un patrimoine national,
comment les gens avaient résisté à la poussière si fine qui s’incruste partout,
à quel point le second étage était dangereux, menacé d’effondrement et comment on pourrait le protéger de la destruction du temps sans le dénaturer,
quelle était la proportion de respect et d’exploitation dans le regard que les gardiens posaient sur les prisonniers,
comment les rails anodins d’une tuilerie menaient au réseau ferroviaire européen, au fait historique majeur.

Ce que nous voyons aujourd’hui :
un bâtiment en bon état, apparemment,
une porte étroite,
tellement de poussière fine et rouge,
« Catacombe 2 » écrit sur les briques,
les palets de bois pour poser les tuiles dans le four,
l’escalier branlant avec le cadenas difficile à ouvrir,
les capteurs pour sonder la chaleur,
les trous par où verser la poudre de charbon,
le plancher près de s’écrouler,
les choses qui pendent du plafond,
les clochettes peintes sur le mur,
la couleur bleue,
la fresque endommagée,
le portrait enlevé,
les chaussures au pochoir,
le soulier qui manque,
un si petit wagon…

Ce que moi, j’ai cherché ici, c’est l’événement historique dans la banalité du présent,
c’est à dire ce qui ne se voit pas,
c’est en ce sens que le ressenti et la parole comptent,
comme si je pouvais imaginer les sensations corporelles et les sentiments des personnes qui sont passées par là,
ce qui est une forme d’arrogance et d’erreur : Est-il possible de se mettre à la place des autres ? Est-il permis d’en parler ?
mais aussi une volonté de respect : ne pas les oublier
quelque chose de dérisoire, d’inexact et cependant nécessaire.


Effondrement
je frissonne de perdre tout fondement,
je suis effrayé du mensonge,
je suis foudroyé,
cela me rend fou,
on me foule aux pieds
puis-je encore appartenir…

Appartenir à quelqu’un ?
dois-je être à part
et paria
privé de parenté
floué d’appartenance
tenu à part
en partance vers on ne soit où
venu de quels père et mère ?

quels pères et quels repères ?
quelle mer en commun ?
le rapt, la ratonnade,
tout a dérapé
où est le Droit ?
tout est désordre
Et s’il existait un monde apaisé ?

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